Milieux d’affaires et extrême droite. Enquête - LAURENT MAUDUIT
- Julien
- 15 déc.
- 3 min de lecture
Après la diabolisation : Patronat, médias, RN, cartographie d’une porosité
Un face-à-face sur un angle brûlant de la vie publique française: le rapprochement entre une partie des milieux d’affaires et le Rassemblement national. À partir de son enquête « Collaboration », Laurent Mauduit, cofondateur de Mediapart, retrace la fin progressive du barrage républicain, l’influence des médias détenus par de grands groupes, et les calculs d’intérêt qui redessinent les liens entre pouvoir politique, patronat et opinion. On questionne la compatibilité réelle du RN avec un agenda pro business, les parallèles utiles et les limites avec les années 1930, le poids des acteurs médiatiques, et les garde-fous encore opérationnels en France et en Europe.
Au programme
Pourquoi 2024 marque une rupture dans les relations RN patronat
Ce qui a changé dans le discours économique du RN
Médias d’influence, pluralisme et agenda public
Liberté contre démocratie, du néolibéralisme au libertarianisme
Ce que changerait concrètement une arrivée du RN au pouvoir
Trois garde-fous démocratiques simples et vérifiables
Laurent Mauduit, journaliste et cofondateur de Mediapart, auteur de « Collaboration, enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires ».
Épisode enregistré le 12/11/2025
Idées clés
Thèse et intention
Une partie des milieux d’affaires français a rompu avec le « barrage républicain » et se rapproche du RN ; 2024 marque une accélération qualitative de cette porosité.
Le livre vise d’abord à documenter des faits (rencontres, décisions, réseaux), l’alerte démocratique découle des preuves réunies, pas l’inverse.
Méthode et position de l’auteur
Journalisme “citoyen”, ancré dans une longue fréquentation des arcanes économiques et patronaux, avec priorité aux pièces vérifiables et au recoupement.
Posture : la presse doit enquêter sur l’extrême droite plutôt que la normaliser par des débats d’opinion.
Institutions françaises, vulnérabilité démocratique
La Ve République favorise un pouvoir personnel fort et des contre-pouvoirs affaiblis, ce qui rend un basculement illibéral plus risqué qu’en régime parlementaire.
La crise démocratique se reflète aussi dans la concentration médiatique et la proximité entre fortunes et médias.
Patronat : logiques, fractures et évolutions
Le “patronat” est hétérogène (CAC 40 mondialisé, ETI/PME, secteurs régulés), mais un fil commun émerge : recherche de prévisibilité pro-business.
Du capitalisme “arbitre” (Trente Glorieuses) au néolibéralisme financier, le PDG devient relais des actionnaires ; depuis 2008, certains regardent des solutions plus dures.
RN : mutation et compatibilité pro-business
Abandon progressif des positions Frexit/anti-UE et multiplication de gages au monde économique (opposition à la “taxe Zucman”, C3S, etc.).
Tension stratégique : discours social vis-à-vis des classes populaires, mais signaux fiscaux et réglementaires favorables aux grands intérêts.
Médias et agenda public
Chez Bolloré, la séquence décrite va au-delà d’une “pluralité” : prises de contrôle, nominations, transformation de chaînes d’info en plateaux d’opinion, et déport de l’agenda.
Effet d’entraînement : des médias publics/privés reprennent thèmes et formats, diluant les faits au profit du commentaire conflictuel.
Cas et figures
Bolloré : stratégie d’emprise médiatique et éditoriale, précédents et liens avec d’autres groupes.
P.-É. Stérin : plan Périclès, financement d’écosystèmes d’influence, registre idéologique assumé.
Bernard Arnault : proximités, gestes publics (publicité, relations US), tropisme pro-business.
Comparaisons historiques et limites
Parallèle Chapoutot : en 1932-33, l’alliance des milieux d’affaires et d’un appareil médiatique hostile a “donné” le pouvoir ; similitudes d’architecture, contexte différent.
Angle manquant souligné par Mauduit : rôle des divisions de la gauche dans le risque démocratique, hier comme aujourd’hui.
Europe et contraintes extérieures
L’UE/BCE et les marchés sont des garde-fous imparfaits : ils peuvent contraindre, mais l’onde illibérale européenne les fragilise et des contournements sont possibles.
Si le RN gouvernait : frictions attendues
Court terme : normes, fiscalité de production, droit du travail, climat médiatique et judiciaire, image internationale et talents.
Contradiction probable entre attentes sociales de l’électorat populaire et cadeaux pro-business.
Pistes et garde-fous
Coalition des forces démocratiques, anti-concentration et garanties d’indépendance éditoriale, transparence des liens pouvoir-affaires, encadrement des cabinets d’influence.
Réarmer la presse d’enquête et la démocratie sociale pour restaurer des contre-pouvoirs effectifs.
Ouvertures intellectuelles
Dépasser le face-à-face État/marché par la logique des biens communs et un contrôle citoyen réel.
Revenir aux classiques (Hugo, Marx) et aux analyses contemporaines pour penser les liens capital/pouvoir dans des institutions adaptées.



